La mise en bière des corps en urgence pendant le confinement n’était pas justifiée
Un avocat de Montpellier vient d’obtenir gain de cause auprès du conseil d’État : la mise en bière des corps en urgence sans que les familles puissent revoir leur proche pendant le premier confinement n’était pas légale. Le conseil d’État valide toutes les autres dispositions du confinement.
Toutes les mesures prises par l’État pendant les confinements ne sont pas forcément légales. Un avocat de Montpellier vient d’obtenir gain de cause concernant la mise en bière après un décès. Lors du premier confinement, lors de la mort d’un proche, le corps était tout de suite placé dans le cercueil qui était alors rapidement scellé sans que les familles aient pu revoir une dernière fois la personne décédée.
Au printemps, maître David Guyon du barreau de Montpellier avait tenté d’obtenir l’annulation de cette mesure en urgence à la demande de plusieurs familles. Il n’avait pas obtenu gain de cause. Mais sur le fond du dossier, le conseil d’État vient cette fois de lui donner raison.
« Lorsque vous décédiez, entre le mois de mars et le mois d’avril, lorsque ce texte s’appliquait, vous étiez placé immédiatement dans une bâche en plastique, mis dans un cercueil hermétique. On ne pouvait plus voir le proche décédé jusqu’à son incinération, incinération qui était obligatoire également. Nous avons donc contesté devant le Conseil d’État la légalité de cette mesure. Et le 22 décembre 2020, le Conseil d’État a fait droit à notre mesure en disant que la mise en bière immédiate était disproportionnée. »
« Cette victoire signifie que même en période de crise sanitaire, il faut quand même respecter le deuil des familles. La crise sanitaire ne justifie pas de sacrifier toutes nos libertés. »
« C’est important parce que lorsque vous perdez un proche, surtout dans le cas d’une maladie où on ne vous a pas permis d’aller le revoir durant ces derniers jours, c’est important, pour faire le deuil, de revoir le corps de la personne décédée. Cette victoire signifie que même en période de crise sanitaire, il faut quand même respecter le deuil des familles et on ne peut pas tout faire.
Finalement, la légalité des mesures qui sont prises depuis le début de la crise est quand même discutable. Et cette victoire démontre au moins que certaines d’entre elles peuvent obtenir gain de cause devant Conseil d’Etat. La crise sanitaire ne justifie pas de sacrifier toutes nos libertés. Nous avons donc le droit de faire le deuil, y compris en période de crise sanitaire. »
Un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme
Mais maître David Guyon n’a pas gagné sur toute la ligne, car son recours portait en fait sur l’intégralité des mesures liées au confinement. Le Conseil d’Etat n’a invalidé que celle concernant la mise en bière. Pour le reste, il considère que le confinement est légal. C’est pour cette raison que l’avocat va maintenant porter le dossier devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
« L’intérêt de porter la question devant la Cour européenne des droits de l’homme, c’est de demander à cette juridiction internationale si le confinement ne méconnaîtrait pas certaines dispositions de la Convention européenne et notamment la liberté d’aller et venir, le droit à la vie privée et familiale, puisque c’est votre vie qui est chamboulée dans son quotidien par les effets du confinement. On est dans la question de l’urgence.
Il faudra compter plusieurs mois, peut être quelques années. Aujourd’hui, nous venons d’apprendre que l’état d’urgence sanitaire serait prolongé jusqu’au 31 décembre 2021. Donc, il semblerait que l’urgence devienne aujourd’hui la norme. Et donc, finalement, ce recours m’apparaît être très opportun puisqu’il va permettre de déterminer si l’État, à l’avenir, pourra gérer les situations de crise sanitaire en bafouant, manifestement les dispositions internationales ».
« Il n’y a plus de sens dans ces décisions puisqu’on est à moitié confiné et que parallèlement, la situation sanitaire, malheureusement, ne s’améliore pas. »
« On a le sentiment que chaque fois que l’on sacrifie un peu de notre liberté, nous n’avons pas une contrepartie qui était équivalente aux sacrifices que l’on est capable de consentir. On le voit d’ailleurs au premier confinement, la plupart des gens ont respecté quand même celui-ci, au deuxième confinement, on avait plutôt l’impression que c’était une garderie. On a vu autant de monde à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il n’y a plus de sens dans ces décisions puisqu’on est à moitié confiné et que parallèlement, la situation sanitaire, malheureusement, ne s’améliore pas. »
En revanche, en dehors du décret sur la mise en bière, le conseil d’Etat a rejeté le recours contre le confinement. L’avocat avait en effet déposé un recours global contre toutes les mesures liées au confinement, et seul le décret sur la mise en bière a été considéré comme illégal. Me David Guyon va donc porter l’affaire devant la cour européenne des droits de l’Homme.
La mise en bière des corps en urgence pendant le confinement n’était pas justifiée, SOURCE : France Bleu