Le syndrome post-Covid en quatre questions:

Rechute ? Manifestations psychosomatiques ? Séquelles ? Des anciens malades qu’on croyait guéris se plaignent d’une résurgence de symptômes. Selon des estimations provisoires, ce syndrome pourrait concerner entre 5 à 10 % des Français atteints par le coronavirus. CQFD décrypte la question.

Le déconfinement et le ralentissement continu de l’épidémie en Europe n’ont pas levé toutes les inquiétudes. La crainte d’une deuxième vague, qui replongerait le monde dans une nouvelle période de quarantaine et d’instabilité économique, est bien là.

La résurgence de l’épidémie n’est-elle pas même déjà là ? Ce qu’on appelle désormais le syndrome « post-Covid » surprend et déstabilise les médecins, puisque de plus en plus d’anciens malades – qu’on croyait guéris – se plaignent d’un retour de symptômes. Rechute ? Manifestations psychosomatiques ? Séquelles ?

Après quatre mois d’observations cliniques en Asie, en Europe et en Amérique du Nord, une chose est sûre, le Covid-19 est bien plus qu’un virus affectant les poumons. CQFD fait le point.

1. Quels sont les symptômes ?

Fièvre, courbatures, céphalées, vertiges, anosmie (perte d’odorat), essoufflement, fatigue intense ou encore urticaire… La liste des symptômes ressemble à un inventaire à la Prévert. « Cela fait 65 jours désormais que je suis malade du Covid », résume auprès de France Bleu Dominique Lemaire, habitant à Arcueil dans le Val-de-Marne.

Et il est loin d’être le seul. D’anciens malades du Covid-19 souffrent encore d’affections physiques, deux mois après leur contamination. Des affections qui dépassent les symptômes respiratoires auxquels la maladie a parfois été réduite. « Malgré plusieurs types de manifestations physiques, les symptômes les plus répandus sont quand même l’immense fatigue et l’essoufflement », tempère toutefois Pierre Tattevin, président de la société de pathologie infectieuse de langue française et infectiologue au CHU de Rennes.

Le plus souvent, d’après les témoignages constatés sur les forums et réseaux sociaux, ainsi que ceux des médecins, ces personnes ont guéri du Covid-19 avant de ressentir à nouveau des symptômes. Un peu comme s’ils oscillaient entre guérison et rechute. « Ces patients ne refont pas un Covid, ils en ont les symptômes mais quasiment tous ceux qu’on a testés étaient négatifs à une réinfection », rassure Pierre Tattevin.

2. Combien de personnes en souffrent ?

Ce contingent est très difficile à évaluer, d’autant que le ministère de la Santé ne s’en est pour l’instant pas saisi. Mais selon des estimations provisoires, ce syndrome pourrait concerner entre 5 à 10 % des Français atteints par le coronavirus. Soit environ 13.000 si l’on se base sur les chiffres officiels.

« D’après nos observations, 15 % des malades les moins graves du Covid-19 (c’est-à-dire ceux soignés à domicile) ont présenté ces signes, six semaines après les premiers symptômes », constate Pierre Tattevin. Une proportion « très inattendue » étant donné le profil des malades.

« Ce qui est surprenant c’est que ces patients ont développé la maladie sans aucune gravité, et s’attendaient donc à récupérer rapidement, pour finalement être mal en point bien plus longtemps que prévu », poursuit le spécialiste. D’après les premières remontées de terrain, ces malades seraient plutôt des femmes, jeunes, en bonne santé, dynamiques et qui n’auraient pas eu besoin d’être hospitalisées pour le Covid.

Sur les réseaux sociaux, leur inquiétude est palpable. Ces « Covid persistants » – comme ils se sont baptisés – racontent quotidiennement, notamment sur Twitter sous les hashtags #apresJ20 ; #apresJ60 et #apresJ90, leurs souffrances, se partagent des astuces médicales pour vaincre la fatigue ou les vertiges, et interpellent le gouvernement pour faire entendre leurs voix.

3. A quoi est due cette persistance ?

Depuis le début de la pandémie, la connaissance du virus par le monde scientifique et médical reste lacunaire. Pour preuve, le nombre d’articles publiés sur la question, environ 14.600 répertoriés dans la base de données de l’OMS, sans cesse réactualisée. Le Covid-19 est « une maladie très agressive sur laquelle aucun livre n’a encore été écrit », reformule à sa façon le professeur britannique Paul Garner, spécialiste des maladies infectieuses à Liverpool, qui a raconté dans le British Medical Journal sa longue lutte contre la maladie.

Par conséquent, nul ne sait encore à quel point elle peut provoquer des « changements immunologiques dans le corps, de pathologies étranges que l’on ne peut pas expliquer pour le moment », déplore-t-il. Pour certains spécialistes, ce virus est même bien plus qu’une infection virale et provoque une perturbation générale du système immunitaire et des vaisseaux sanguins. « Notre hypothèse est que le Covid-19 commence comme un virus respiratoire et tue comme un virus cardiovasculaire », théorise Mandeep Mehra, professeur de médecine à la Harvard Medical School, interviewé par le Washington Post.

Mais tout n’est encore que projections. Concernant le syndrome post-Covid, les médecins ont toutefois noté une ressemblance avec d’autres maladies. A commencer par le SARS de 2003, dont les séquelles pulmonaires n’ont vraiment disparu que 15 ans après, ainsi que des stress post-traumatiques, des dépressions voire des fatigues chroniques persistant pendant 4 ans. « Par analogie, on peut supposer qu’il y aura des séquelles sévères pulmonaires, neurologiques, cardiaques et musculo-squelettiques chez certains survivants du COVID-19, entraînant des limitations d’activité », anticipe la Haute autorité de santé dans une note publiée le 16 avril dernier.

Des anciens malades de la maladie de Lyme endurent aussi parfois durant plusieurs mois les symptômes malgré la prise d’antibiotiques oraux. Pour Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, dans les Hauts-de-Seine, ce syndrome post-Covid lui rappelle celui des survivants de l’épidémie du chikungunya sur l’île de la Réunion en 2006. « Trois mois après, certains se plaignaient encore de syndromes chroniques. On retrouve ici une situation similaire », décrit-il au micro d’Europe 1.

Pierre Tattevin est plus nuancé. « Ce syndrome post-Covid s’apparente à ceux après des maladies infectieuses. Des patients en bonne santé parviennent à se débarrasser du microbe, mais le font au prix d’un tel effort que ça déclenche une réponse immunitaire très puissante. Plus tard, ils le paient avec un dérèglement de leurs défenses immunitaires », explique-t-il.

4. Comment traiter ces symptômes persistants ?

« Pour la fatigue, il n’existe pas vraiment de remèdes si ce n’est du repos, en revanche pour l’essoufflement et les problèmes respiratoires, on a remarqué que les médicaments contre l’asthme fonctionnaient bien », observe Pierre Tattevin. Au CHU de Rennes, son équipe a par exemple prescrit de la Ventoline à ces anciens malades dont l’efficacité s’est avérée rapidement. Pour l’infectiologue, à défaut d’avoir plus de recul sur la maladie, certains traitements peuvent ainsi résoudre les symptômes un par un.

A l’hôpital Foch à Suresnes, des consultations « Rehab-covid » ont aussi été lancées en fin de semaine dernière pour prendre en charge les anciens patients se plaignant d’une résurgence de leurs symptômes. Un bilan complet leur est proposé – épreuve d’effort médicale sur un vélo fixe, avec électrocardiogramme, et test du souffle, évaluation de la force musculaire – ainsi que différents entretiens (diététicien, psychologue, kinésithérapeute). L’objectif : « faire le tri dans cette nébuleuse de symptômes », détaille le Docteur Nicolas Barizien, en charge de la cellule.

Ces examens permettent aussi d’éliminer d’autres pistes, comme des formes de pneumopathie – embolie ou fibrose pulmonaires, surinfection respiratoire, atteintes cardiaques. « Certains malades vont avoir tendance à se raccrocher au diagnostic du coronavirus parce que cette maladie est très médiatisée, et peut-être passer à côté d’une autre affection », explique Pierre Tattevin.

Son conseil : si les symptômes persistent, mieux vaut consulter à nouveau son médecin pour prendre le temps de vérifier si ces manifestations ne peuvent pas être dues à autre chose.

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